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> Colóquios > X Aniversário do Tribunal Constitucional > La légitimité de la justice constitutionnelle et la composition des Juridictions constitutionnelles

La légitimité de la justice constitutionnelle et la composition des Juridictions constitutionnelles
Louis Favoreu
(Professeur à l'Université d'Aix-Marseille III)

 

1 — La légitimité de la justice constitutionnelle est souvent mise en cause à propos de la composition des juridictions constitutionnelles qu'il s'agisse des Cours suprêmes placées au sommet d'un édifice juridictionnel ou des Cours et tribunaux constitutionnels — chargés de rendre cette justice. Dans le présent rapport, nous nous proposons simplement de dresser un inventaire des problèmes soulevés par la com­position de ces juridictions au regard de la question de légitimité, sans prétendre ni à 1'exhaustivité, ni à la synthèse.

2 — Le sujet sera traité en droit compare et en tenant compte tant des expériences se situant dans le cadre du modèle européen que du modèle américain de justice constitutionnelle. En fait, les deux modè­les se rapprochent si l'on envisage la question de la composition des juri­dictions constitutionnelles, des lors du moins que l'on envisage essentiellement — du cote du modèle américain — le cas des Cours suprêmes (et moins celui des juridictions inférieures soumises à leur autorité). Bien évidemment, s'agissant du cas (particulier) du Portugal sera prise en considération la composition du seul Tribunal constitutionnel.

On notera aussi que les considérations de science politique auront sans doute ici autant de place que les considérations purement juridiques. Mais, en matière de justice constitutionnelle, les deux types de con­sidération sont nécessaires.

Enfin, la question de légitimité sera abordée du seul point de vue de la composition des juridictions constitutionnelles c'est-à-dire du choix et du recrutement des membres de ces juridictions et de leurs qualités ou caractéristiques sans se préoccuper de leur statut ou de celui des juridictions elles-mêmes car le sujet à traiter serait alors trop vaste.

3 — Il sera évidemment tire profit des travaux de la Table ronde internationale ténue à Aix-en-Provence le 20 octobre 1988 sur le thème: «Les juges constitutionnels», et qui fournit beaucoup de renseignements sur le recrutement et la «sociologie» de ces juges[2]. On s'efforcera d'en actualiser le contenu notamment en tenant compte, dans une certaine mesure, des nouvelles Cours constitutionnelles créées en Europe de l'Est depuis 1989.

4 — On avancera deux propositions, la première étant descriptive et la seconde se voulant plus constructive: la composition des juridictions constitutionnelles conditionne la légitimité de la justice constitutionnelle (I); la recherche de la légitimité impose un certain type de com­position des juridictions constitutionnelles (II).

I — La composition des juridictions constitutionnelles conditionne la légitimité de la justice constitutionnelle

5 — La question de la composition des juridictions constitution­nelles est certainement celle qui a provoque — du moins en France — le plus d'équivoque et d'erreurs que je me suis efforcé de combattre et de dissiper depuis plus d'un quart de siècle en faisant appel au droit compare[3].

II est aujourd'hui admis généralement d'une part, que la compo­sition des juridictions constitutionnelles est adaptée à leur mission, et d'autre part, que leur crédibilité et donc leur légitimité est fonction essentiellement du mode de désignation des juges constitutionnels.

A)    La composition des juridictions constitutionnelles est adaptée à leur mission

6 — Les juridictions constitutionnelles appartiennent au même genre que les juridictions ordinaires mais non à la même espèce.

Les questions soumises aux juridictions constitutionnelles se situent au plus haut niveau: celui où se rejoignent droit et politique. II s'agit de problèmes relatifs à 1'organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics ou bien au système de production de normes; ou bien encore de se prononcer sur ce qu'on appelle des «choix de société», d'une importance capitale pour les individus. En outre, les décisions des juridictions constitutionnelles mettent en cause souvent les actes des autorités les plus élevées de l'Etat, et notamment les lois du Parlement, qui son considérées comme exprimant la volonté générale.

Ces juridictions ne peuvent donc avoir la même composition que les juridictions ordinaires sous peine de voir leur légitimité contestée, par ceux qu'elles contrôlent, c'est-à-dire essentiellement les gouvernants. En conséquence, les magistrats professionnels qui composent normalement les juridictions ordinaires, n’ont pas leur place naturelle au sein des juri­dictions constitutionnelles, du moins à titre principal.

7 — Et c'est là que se situe d'ailleurs la première fausse croyance fort répandue il y a quelques années en France par exemple — mais aussi dans d'autres pays — selon laquelle seule la qualité de magistrat professionnel garantirait 1'indépendance et l'impartialité des juridictions et notamment des juridictions constitutionnelles.

II est bien connu que même les magistrats britanniques — dont pourtant le prestige est considérable — ne se voient pas reconnaître — et ne se reconnaissent pas eux-mêmes — 1'aptitude nécessaire à un contrôle de constitutionnalité des lois[4].

Mauro Cappelletti a bien montré, en outre, qu'en Europe continentale les juges ordinaires ne sont pas prépares à un tel contrôle:

«Les juges d'Europe continentale sont habituellement des magistrats de «carrière» peu aptes à assurer une tache de contrôle des lois, tache qui, nous le verrons, est inévitablement créatrice et va beaucoup plus loin que leur fonction traditionnelle de «simples interprètes» et de «fidèles serviteurs» des lois. L’interprétation même des normes constitutionnelles, et spécialement du noyau central de celles-ci qu'est la Déclaration des droits fondamentaux ou «Bill of Rights», est normalement très différente de 1'interprétation des lois ordinaires; elle demande une approche qui se conju­gue mal avec la traditionnelle «faiblesse et timidité» du juge de modèle continental.»

Certes, il y a des exceptions, et l'on remarquera notamment qu'au Portugal, les juridictions ordinaires peuvent assurer un tel contrôle; mais c'est le Tribunal constitutionnel qui, en définitive, tranchera la ou les questions de principe.

8 — Le fait que les juridictions constitutionnelles n'ont pas la même composition que les juridictions ordinaires ne leur enlève pas leur caractère de juridiction: ce n'est pas, parce que les juridictions constitution­nelles ne sont pas composées de magistrats professionnels parvenus à ce stade à la suite d'un déroulement normal de carrière qu'elles ne peu­vent être qualifiées de juridictions car la qualification de juridiction ne dépend pas exclusivement de critères forgés pour les juridictions ordinaires.

D'ailleurs, il existe de nombreuses juridictions ordinaires, dans divers pays (notamment en France mais aussi en Grande Bretagne) qui ne sont pas composées de magistrats professionnels, sans que leur soit refusée la qualité de juridiction.

B)    Les caractéristiques de la composition des juridictions cons­titutionnelles

9 — Si l'on étudie la composition des principales juridictions cons­titutionnelles (Cour suprême des Etats-Unis, Canada, Norvège, Danemark, Japon, Tribunal fédéral suisse, Cours constitutionnelles d'Autriche, RFA, Italie, Espagne, France, Portugal, Belgique, Pologne, Hongrie, etc.) on constate qu'un certain nombre de traits caractéristiques se retrouvent presque systématiquement qui concernent tant le mode de désignation des juges que les qualités de ces juges eux-mêmes.

l — Le mode de désignation des juges constitutionnels

10 — Les juges constitutionnels sont toujours désignés par des autorités politiques.

Ils sont soit désignés par le gouvernement seul (Canada, Japon, Norvège, Danemark) soit par le pouvoir exécutif avec 1'accord d'une assemblée (Etats-Unis, Brésil) soit par une assemblée avec le Roi (Belgique) soit par une assemblée (Portugal) soit par les deux assemblées (RFA) soit par 1'Exécutif et le Parlement (Autriche, France) soit enfin par 1'Exécutif, le législatif et le judiciaire (Italie, Espagne).

11 — II est aussi connu que, quelles que soient les précautions juridiques prises (majorité qualifiée par exemple en Italie, RFA, Espagne, Por­tugal), les nominations sont toujours le résultat d'un processus politique[5].

La seule différence entre les divers systèmes est que certains ont ouvertement recours à la Parteinproporz c'est-à-dire à la répartition proportionnelle ou équilibrée des sièges entre les partis politiques (Autriche, Allemagne, Italie, Portugal, Suisse) alors que d'autres (Etats-Unis, France, Espagne) s'en remettent en quelque sorte à 1'alternance pour assurer une pluralité de sensibilités au sein de la juridiction constitutionnelle[6].

12 — Ce mode de désignation des juges constitutionnels par des autorités politiques pour des motifs politiques, loin de constituer une tare des systèmes de justice constitutionnelle, est au contraire une qualité et même une nécessite: car la légitimité de la justice constitutionnelle repose en grande partie, sur cette technique de désignation, ainsi qu'il est admis aujourd'hui de manière générale.

Le contre exemple est fourni par l'expérience grecque: en effet, la Constitution de 1975 a cru assurer un bon fonctionnement du système en faisant désigner les membres de la Cour spéciale supérieure par un tirage au sort respectivement parmi les magistrats et les professeurs. Et le résultat est que cette institution n'a pas connu le développement qu'aurait pu être le sien si elle avait eu une assise démocratique.

13 — Des préoccupations autres que strictement politiques, son parfois présentes dans le processus de désignation des juges constitutionnels: il s'agit — officieusement — de représenter telle ou telle partie de la population (ainsi aux Etats-Unis) ou officiellement, de faire une place à telle communauté ou société distincte (les deux juges québécois au sein de la Cour suprême canadienne; les six juges de chaque communauté en Belgique).

14 — Ces diverses préoccupations — de nature politique ou autre — ne font que traduire le souci de rendre adaptable ou crédible la juridiction constitutionnelle chargée d'imposer son interprétation de la Constitution aux gouvernants: la légitimité de la justice constitu­tionnelle est fonction de son acceptation par ceux qu'elle va contrôler et aussi par 1'opinion.

2 — Les qualités des juges constitutionnels

15 — L'utilisation de telle ou telle technique de désignation des juges constitutionnels ne suffit pas à assurer la crédibilité de ceux-ci: encore faut-il que les juges choisis présentent un certain nombre de qualités ou caractéristiques.

Il semble que six critères ou paramètres puissent être retenus, étant entendu qu'ils ne sont pas nécessairement associes ou réunis dans un même cas et qu'ils ont une importance très différente: l'âge, le sexe, la qualification professionnelle ou universitaire, la sensibilité politique, 1'appartenance à une communauté linguistique ou religieuse ou ethnique, leurs antécédents.

16 — Les deux premiers critères ne semblent pas jouer un très grand rôle dans le processus de légitimation de la désignation.

L'âge n'est pas considère comme un facteur important de légiti­mité. On peut constater que les juges constitutionnels ne sont pas généralement nommés avant 50 ans: mais cela ne saurait être consi­déré comme une règle car cela varie selon les juridictions. Même si fréquemment — du moins en France — les juges constitutionnels sont dénommés «les sages», on ne peut affirmer qu un age avance renforce la crédibilité des juges constitutionnels: il peut être parfois, au contraire, une cause de contestation de la juridiction constitutionnelle[7].

L’absence de toute femme au sein des juridictions constitutionnel-les est aujourd'hui critiquée et la Cour suprême américaine comme le Conseil constitutionnel français ont récemment accru leur légitimité en accueillant dans leurs rangs la première femme, juge constitutionnel.

Toutefois, en dehors de ces cas-là, la question de savoir si un homme ou une femme sera nommé ne revêt pas une importance particulière et la légitimité d'une juridiction constitutionnelle ne dépendra pas d'une répartition équilibrée entre hommes et femmes.

17 — La question se pose différemment à propos de la qualification technique des juges constitutionnels. II est en effet généralement considère qu'il doit s'agir de juristes et même de juristes chevronnés faute de quoi la crédibilité de 1'institution, et donc sa légitimité, pourrait être mise en cause. Et effectivement, dans la grande généralité des cas, cette qualité de juriste sera exigée.

En fait, cette exigence ne me paraît pas à elle seule susceptible de produire 1'effet recherché: un juge constitutionnel non juriste mais dote d'une forte personnalité et d'une solide expérience dans la gestion des affaires publiques pourra renforcer davantage le crédit de la justice constitution­nelle qu un juriste technicien. Il y a des juges non juristes au sein du Conseil constitutionnel français[8] et de la Cour d'Arbitrage de Belgique. Il y en a eu jusqu'après la guerre au sein de la Cour suprême des Etats-Unis.

18 — La sensibilité politique a évidemment une importance beaucoup plus grande car elle donne 1'impression aux forces politiques qu'elles sont représentées au sein de 1'organe de contrôle et qu'elles peuvent lui faire confiance de ce fait.

Il en va de même de 1'appartenance à un groupe ou communauté linguistique, religieux ou ethnique; cela rassure et donne confiance dans les hypothèses ou c'est nécessaire, c'est-à-dire au cas de société plurielle ou pluri composée.

19 — Un dernier point est à souligner: c'est que dans les pays sortant de période de dictature ou de régime autoritaire, la légitimité de la juridiction constitutionnelle peut être atteinte si la composition de celle-ci fait trop de place aux hommes du passe, surtout lorsque ceux-ce se sont compromis avec 1'ancien régime.

Il est bien évident qu'en Europe de l'Est, la crédibilité de certaines Cours constitutionnelles n'est pas des plus certaine, compte tenu de leur composition.

II — La recherche de la légitimité impose un certain type de composition des juridictions constitutionnelles

20 — l ne s'agit ici que de formuler quelques observations ou réflexions que peut inspirer l'examen des diverses expériences, en se risquant à une tentative de systématisation.

On peut estimer que la recherche de légitimité de la justice constitutionnelle conduit à privilégier trois objectifs, d'importance différente dans la détermination de la composition des juridictions constitutionnelles: le pluralisme, la représentativité, la complémentarité.

A)   Le pluralisme

21 — D'une manière ou d'une autre, 1'important est que 1'organe chargé de la justice constitutionnelle ait une composition pluraliste, c'est-à-dire qu'une seule tendance ou sensibilité ne soit pas exclusivement représentée en son sein, faute de quoi ledit organe n'aura pas de véritable légitimité.

22 — On peut prendre deux exemples pour illustrer ce propos.

L’exemple japonais, tout d'abord: la Cour suprême dont les membres sont désignes par le gouvernement, c'est-à-dire par la majorité au pouvoir, a une composition politiquement homogène car le même parti domine la vie politique depuis la fin de a Seconde guerre; en conséquence, la Cour ne déclare pratiquement jamais 1'inconstitutionnalité d'une loi et sa crédibilité, en tant que juge constitutionnel, est très faible[9] .

L'exemple suédois va exactement dans le même sens: le même parti ayant été au pouvoir pendant une période de près de cinquante ans, la composition des Cours suprêmes a toujours été homogène, le gouver­nement ne nommant que des juges de sa tendance; des lors, le contrôle de constitutionnalité des lois n'existe pas et les juristes suédois savent qu'ils doivent s'adresser à la Cour européenne des droits de l'Homme s'ils veulent avoir quelque chance de succès.

23 — Comment obtenir ce pluralisme nécessaire à la légitimité de la juridiction constitutionnelle? Deux conditions au moins doivent être réunies.

Une des premières conditions de réussite est sans doute le renouvellement régulier des membres de la juridiction constitutionnelle. En effet, à la différence des juridictions ordinaires, les juridictions constitutionnelles sont composées de juges nommés assez tard (vers les cin­quante ans) et le plus souvent pour une durée déterminée et relativement courte; le juge constitutionnel ne fait normalement pas carrière; il n'est juge constitutionnel que pour un temps. La Cour suprême des Etats-Unis fait exception, encore que l'on puisse noter qu'un tiers des juges en fonction dans les quarante ans qui ont suivi la Seconde Guerre, n'ont guère dépassé les quinze ans d'exercice, et qu'en moyenne, il y a eu un renouvellement à la Cour tous les 22 mois.

La seconde condition est que le système de nomination et de renouvellement soit à même, en quelque sorte, de «fabriquer» ou de produire le pluralisme. A cet égard, le système de la parteins  proporz a montré son efficacité des lors qu'il assure la présence de plusieurs tendances au sein de la juridiction constitutionnelle. Le système de «pondération par l’alternance» de type américain ou français produit des effets plus aléatoires car il suppose que se produise une alternance au pouvoir à des intervalles de durée raisonnable, ce qui s'est réalisé jusqu'ici tant aux Etats-Unis qu'en France (de 1959 à 1992).

A cet égard, on notera 1'importance fondamentale du phénomène de l'alternance des lors que n'est pas utilisé le système de la proporz, car il permet d'obtenir le pluralisme: c'est ainsi qu'au Canada, ce plura­lisme existe parce qu'à la différence des Cours suprêmes japonaise et suédoise, les juges de la Cour suprême de ce pays sont désignes par des majorités qui alternent au gouvernement.

B)   La représentativité

24 — La question est très proche de la précédente, quoiqu'un peu différente: pour conférer une légitimité à la juridiction constitutionnelle, sa composition peut avoir à tenir compte de la nécessite de représenter des tendances ou des parties de la population.

25 — S'agissant des tendances ou sensibilités politiques, le problème est de savoir s'il faut les représenter toutes.

Le système de la proporz permet de le faire: mais on notera qu'en Autriche et en Allemagne, le partage des sièges de juges se fait entre les deux principaux partis (avec quelquefois, une possibilité pour le Parti libé­ral auquel l'un des deux grands partis fait une place) et qu'en Italie, la répartition se fait entre les cinq partis formant ce que l'on appelle «l'arc républicain», en excluant les autres partis; alors qu'en revanche, au Por­tugal et en Suisse, tous les partis ont une représentation.

En fait, il est admis que l’important est de donner voix au chapitre aux partis susceptibles de gouverner un jour, c'est-à dire aux partis qui sont soit au gouvernement, soit dans 1'opposition (des lors qu'ils ont une chance d'accéder au pouvoir lors d'une alternance). On peut considérer aussi que, le fait qu en Allemagne ou en France, la sensibilité communiste ne soit pas représentée au sein de la juridiction constitutionnelle ne met pas en cause la légitimité de la justice constitutionnelle parce que le parti communiste n'est pas au nombre des «partis de gouvernement» c'est-à dire des partis qui peuvent alterner au pouvoir.

Ceci exprime le fait que 1'institution de la justice constitutionnelle ne fonctionne bien que si ceux qui sont soumis au contrôle (c'est-à-dire les gouvernants) et ceux qui, dans 1'opposition, ont vocation à les remplacer ont le sentiment qu'ils participent à la désignation des membres de 1'organe de contrôle: les contrôles doivent avoir le sentiment qu’ils sont associes à la désignation des contrôleurs.

C'est ce qui explique d'ailleurs que l'on doive dénier le caractère de Cour constitutionnelle à la Cour de justice des Communautés européennes car, comme nous 1'avons montré, les juges de cette Cour ne sont pas désignes conformément au processus décrit ci-dessus[10]: les partis politiques représentes au Parlement européen ne participent pas à la désig­nation des juges de la Cour qui d'ailleurs ne contrôle que très partiellement les actes du Parlement.

26 — Dans certains cas, on cherche également à représenter la population dans sa diversité linguistique, religieuse ou ethnique.

Certains pays, comme la France, excluent cette possibilité car ils s'interdisent toute distinction au sein d'une population qui est considérée comme homogène et qui doit même l’être d'après notre Constitution[11] .

Ceci est plus aisé dans les États fédéraux et de manière générale, dans les États composés ou 1'on admet officiellement que coexistent plusieurs communautés ou que certaines minorités doivent être protégées. La question est évidemment ici aussi de savoir si l'on doit repré­senter toutes les composantes d'une population ou si l'on doit n'en retenir que quelques unes. En outre, la représentation peut avoir un caractère officiel (comme en Belgique ou au Canada) ou officieux (comme aux États-Unis).

II est très difficile de se prononcer sur ce point, à la différence du précédent.

C)   La complémentarité

27 — Ceci touche davantage la question des compétences techniques et des expériences des juges constitutionnels.

Il semble que la crédibilité de la justice constitutionnelle soit atteinte lorsque 1'une des composantes et surreprésentée voire exclusivement représentée. Aussi une juridiction constitutionnelle composée de juristes «purs», c'est-à-dire n'ayant eu d'autres activités dans les domaines politiques ou syndicaux, ne serait pas sans doute pleinement acceptée[12] - A l'inverse, si les «politiques» dominaient trop, il y aurait aussi contestation de la composition.

La proportion importante de professeurs d'université dans la plupart des Cours constitutionnelles européennes avait été relevée comme une singularité et une spécificité européenne par un auteur américain au début des années soixante. Elle s'explique cependant par le fait que c'est dans leurs rangs que l'on a plus facilement trouvé des personnalités indépendantes lors du passage des régimes autoritaires aux régimes démocratiques.

On pourrait faire valoir aussi que 1'expérience des avocats et des fonctionnaires est nécessaire au sein d'une juridiction constitutionnelle.

28 — En définitive, c'est un dosage et un équilibre satisfaisant entre les diverses expériences qui doit être trouvé pour assurer à la juge constitutionnel le maximum de crédibilité.

Dans un rapport de synthèse reprenant plusieurs contributions nationales, on peut lire cette conclusion qui me paraît sage (et correspondre au surplus à la réalité):

«L'expérience constitutionnelle des juges constitutionnels varie. En réalité seul un praticien ayant beaucoup d'expérience comme juge, avocat, fonctionnaire, professeur ou l'homme politique peut être nommé. Dans la plupart des pays, on recherche un mélange de ces cinq groupes, afin de mettre en jeu des expériences différentes dans le contrôle de constitutionnalité [13]

La véritable sanction de la légitimité de la justice constitutionnelle est donnée ou apportée par l'opinion publique. C'est elle qui, en définitive, consacre ou rejette 1'institution au regard de sa jurisprudence et de son action au sein de 1'État. La composition de la juridiction sera critiquée si cette jurisprudence ne donne pas satisfaction. Toutefois, l'opinion est certainement sensible à la nomination de personnalités éminentes au sein des juridictions constitutionnelles et 1'exemple américain récent de la très délicate confirmation du juge Thomas montre qu'il faut prêter attention aux réaction de l'opinion.



[1] Texte provisoire et sommaire

[2] Annuaire international de justice constitutionnelle, IV-1988 (Paris, 1990), pp. 80-227.

[3] Cfr. L. Favoreu, in Revue du droit public, 1967, pp. 5-120.

[4] Voir, par exemple, N. H. Andrews, «L'Angleterre doit-elle adopter une Déclaration des droits assortie d'un contrôle juridictionnel des lois?», Annuaire International de justice constitutionnelle, V-1989 (Paris, 1991), pp. 35-56 (spécialement p. 551).

[5] Voir les diverses Communications à la Table ronde d'Aix, du 20 octobre 1988 (A1JC, IV-1988). Voir aussi, dans le même Annuaire, 1'étude de A. Von Brunneck, Le contrôle de constitutionnalité et le Législateur dam les démocraties occidentales, notamment p. 18; A. Weber, AIJC, 1-1985, p. 45.

[6] C’est ce que j'ai proposé d'appeler le système de «pondération par 1'alternance».

[7] Ainsi aux Etats-Unis, au temps du New Deal, et en France après 1'affaire des nationalisations.

[8] II est vrai qu'ils sont en diminution puisqu' actuellement sur 9 juges, on compte un seul non juriste (voir le tableau annexe).

[9] Cfr. M. Nakamura, «Quarante ans de contrôle judiciaire de la constitution­nalité des lois», AIJC, III-1987, p. 691 s. Voir dans le même sens, la chronique régulière de M. Ueno dans 1'Annuaire international de justice constitutionnelle.

[10] Cfr. L. Favoreu, «Vers une justice constitutionnelle communautaire?», in Le Parlement européen dans l’ évolution institutionnelle, ed. Université de Bruxelles, 1988, pp. 233-243.

[11] On rappellera que, récemment, le Conseil constitutionnel a refusé qu'une loi puisse consacrer, même formellement, la notion de «peuple corse» (9 mai 1991, Favo­reu et Philip, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 6e ed., n.° 46).

[12] On notera cette observation de M. Fromont à propos de la faible propor­tion des juges ayant eu une expérience politique au sein de la Cour constitutionnelle allemande: «Cette sous représentation du monde politique est souvent considérée comme la cause d'une certaine méconnaissance de la réalité politique, voire d'une certaine naïveté, dont témoigneraient certains jugements de la Cour» (AIJC, IV-1988, p. 84).

[13] A. Von Brünneck, op. cit., p. 20.

 




 



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